A Dax, Droit au Logement interpelle le Préfet (par courrier), manifeste (son soutien), et, la police municipale tombe dans le panneau "La pauvreté n'est pas un crime!"
Lettre envoyé au Préfet :Objet : Situation Mr "M" Stéphane.
Copies à : Mr le Sous Préfet de Dax, Mme le Maire de Dax, Mr le Député des Landes, association « La Source ».
Dax, le 23 septembre 2017
Monsieur le Préfet,
Nous tenons à attirer votre attention sur la situation de Monsieur Stéphane "M" qui se trouve depuis plusieurs mois sans domicile. Il vit et dort dans la rue aux alentours du marché couvert de Dax de manière permanente
depuis mars 2017. Il disposait jusqu’il y a peu d’une tente à
l’entrée du parc des Baignots. La situation de Mr "M" est
connue de différents services :
L’accueil de jour a
été sollicité à plusieurs reprises, les éducateurs ne se
déplacent que suivant leurs possibilités, et de trop nombreuses
fois se sont déclarés en sous-effectifs cet été, y compris les
jours de permanence médicale et en particulier depuis les fêtes de
Dax. Contacté par téléphone fin août, le 115 a affirmé que Mr "M" était « interdit » d’accès au sein du Centre
d’Accueil de Nuit de l’Agglomération Dacquoise.
La police municipale n’a
eu de cesse de l'harceler pour le dissuader de rester dans le
quartier par de multiples vexations, l’interdiction de s’assoir
sur le banc d’un arrêt de bus (désormais retiré de manière
définitive au mécontentement des usagés), etc. ou, en lui jetant
ses affaires (couvertures, vêtements). Toutefois, elle n’a jamais
pris l’initiative de l’amener à l’accueil de jour où il
aurait pu recevoir des soins (hygiène corporelle). Ils lui ont
proposé de l’amener sur un terrain à Narrosse…
La Police Nationale a
aussi renoncé à le mettre en dégrisement (sans doute à cause de
l’odeur), ce qui, certaines fois, aurait pour avantage de le mettre
à l’abri plutôt que de le laisser littéralement « dans les
poubelles » de la façon la plus indigne. Le 30 août dernier,
alors qu’on l’y transportait, l’officier de garde a ordonné de
ramener « ça, là où on l’avait ramassé »…
Les pompiers appelés de
très nombreuses fois par des passants ne veulent plus non plus le
prendre en charge (c’est réciproque), mais ils assurent quand même
un service « minimum » régulier. Mr "M" est
contraint à chaque fois de revenir par ses propres moyens de
l’hôpital ce qui lui est de plus en plus difficile. Pour mémoire,
le 4 août il a été fauché par un véhicule alors qu’il
traversait au passage piéton, admis aux urgences en début d’après
midi il a été soigné du genou, mais par la suite personne n’a
voulu le ramener en ville. Il a donc été contraint de passer la
nuit à dormir sur le banc à l’extérieur avec son ordonnance pour
une paire de béquille et des antalgiques jusqu’au lendemain 16h00,
quand nous sommes allé le chercher à la demande de ses amis. Il a
passé plusieurs jours sans pouvoir se relever devant le WC public…
Le sort de Mr "M"
qui demeure sociable même sous l’emprise de l’alcool, son état
de santé de plus en plus préoccupant, ont ému de très nombreuses
personnes du voisinage qui tentent de lui porter assistance et
l’encouragent. Certaines ont été en Mairie pour demander une
intervention des services sociaux, sans résultat. Pourtant depuis
quelques semaines, il manifeste son épuisement et sa volonté de se
sortir de la rue, il a fait renouveler sa carte nationale d’identité,
et, ces derniers jours il s’est décidé à se soumettre aux
injonctions de soins dans la perspective d’accéder à un logement
grâce à l’accompagnement d’un bénévole associatif.
Jeudi 21 septembre au
matin, rendez-vous était pris avec cette personne qui l’a amené à
l’unité de soins des addictions du CHU pour entamer un sevrage et
un bilan de santé, malheureusement il n’y avait pas de place
disponible (avant le 20 octobre), et Mr "M" s’est retrouvé à
l’accueil de jour où sa situation a été ré-évaluée.
Finalement, il semblerait que cette hospitalisation puisse avoir lieu
jeudi prochain, et que le CANAD accepte de l’héberger à partir de
lundi.
L’histoire dramatique
et le cas extrême de Mr "M" démontre à lui seul, et aux yeux
de tous les manquements du dispositif dans la prise en charge des
sans abri sur l’agglomération, à commencer par l’absence d’une
simple coordination entre les « acteurs » qui rend
inopérante l’ensemble de la « veille sanitaire », y
compris quand la personne entreprend une démarche volontaire. Il
contredit sans appel le discours institutionnel entretenu dans les
différents médias, car s’il est extrême, le cas de Mr "M"
est loin d’être unique, et la police municipale peine de plus en
plus, malgré ses effectifs renforcés et son équipe cynophile, à
refouler les exclu-es hors du centre ville et des rues commerçantes.
Il n’en a pas toujours
été ainsi, en particulier pour ce qui concerne le fonctionnement du
point accueil de jour, pendant longtemps au cœur de ce dispositif.
Les nouvelles orientations décidées ces dernières années (très
précisément depuis le départ à la retraite « anticipée »
du travailleur social qui en avait été la cheville ouvrière depuis
sa création) n’ont pas été de favoriser les échanges et un
appui des initiatives, et pas seulement de celles du Dal-Dax déclaré
« non grata » par la Direction depuis cet hiver. En effet
le bénévole qui s’est chargé d’accompagner Mr "M" n’a
rien à voir avec le Dal. Cela démontre aussi l’intérêt et la
pertinence de la présence de professionnels sur le terrain. On ne
saurait reprocher à ce bénévole son manque de professionnalisme.
Ainsi, comment les
services de la DDCSPP peuvent-ils justifier l’absence totale de
maraude cet été encore, malgré le plan canicule et la fermeture
estivale des associations caritatives, malgré l’éloignement de
l’accueil de jour à 3km environ du centre ville ? Sans parler
de la non prise en compte des exclu-es pendant la période des fêtes.
Dans quelques mois,
nous célébrerons dix ans de luttes aux côtés des sans abri (de
Dax et d’ailleurs) depuis la création de Droit au Logement Dax (14
ans d’engagement pour deux des fondateurs encore actifs) qui a été
sa spécificité au sein de la fédération Dal. Alors que le nombre
de sans abri a augmenté de moitié au long de cette période, et que
le nombre de morts de la rue est estimé désormais à plus de 3000
par an, nous y voyons l’occasion de faire un état des lieux sur
les entraves les plus évidentes dans l’application des différentes
lois en leur faveur. Nous savons pertinemment que Dax n’est pas la
pire de villes et qu’à bien des égards elle pourrait même être
citée en exemple, mais nous sommes loin des espoirs soulevés au
lendemain de l’adoption de la loi Dalo le 5 mars 2007.
A l’heure ou un
nouveau gouvernement prétend cette fois régler le problème en
trois ans, que nous entendons à nouveau évoquer le « housing
first » (si cher à Mr Aparu, secrétaire d’Etat au logement
en 2011) et les effets d’annonce, une contribution émanant des
principaux intéressés et des associations qui les soutiennent
resterait-elle une utopie?
Veuillez croire, Mr le
Préfet, que nous sommes disposé-es à agir en ce sens, mais dans
l’immédiat, nous attendons que les engagements en faveur de Mr
Stéphane "M" soient respectés dans la stricte application des
articles L345-2-2 et L345-2-3 du code de l’action sociale,
lesquels garantissent le Droit à l’accueil inconditionnel de toute
personne à la rue ainsi que le Droit au maintien et à une
orientation adaptée à la situation de la personne qui en
fait la demande. Par ailleurs, en février 2012, un arrêt du Conseil
d’Etat a reconnu le Droit à l’hébergement d’urgence comme une
liberté fondamentale.
Dans cette attente, nous
restons à votre disposition pour toute rencontre, ou complément
d’information, recevez, Mr le Préfet, l’expression de nos
salutations respectueuses.
Le Comité Droit au logement Dax
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