10/10/2017

Un bref Historique de l’exclusion des sans abri à Dax jusqu'en 2008

Dax n’a pas échappée à la tendance répressive dénoncée par l’opération « poverty is not a crime » bien au contraire. La présence récurrente des sans abri au cœur de cette ville thermale de grand passage était visible dés les années 90. A cette époque il n’était pas rare de voir cracheurs de feu et autres jongleurs faire la manche autour de la fontaine d’eau chaude.

En 2001, alors que les sans domicile ont pour habitude de se réunir dans le parc de la mairie, un arrêté municipal est pris afin d’y interdire la présence de tout chien «même tenu en laisse».
C’est la police municipale nouvellement créée qui fût chargée de faire appliquer cette mesure. Les sans abri sont alors refoulés vers le parc des arènes (Théodore Denis).

En 2002 l’association «le pain partagé» ouverte à tout publics ferme ses portes au profit du Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale du sablar (C.H.R.S. qui deviendra C.A.N.A.D. : Centre d’Accueil de l’Agglomération Dacquoise). C’est un accueil de nuit, l’accès aux chiens y est interdit, un règlement strict y est appliqué de manière plus ou moins arbitraire, d’une manière générale il prend peu en compte les spécificités et problématiques des gens de la rue obligés à se soumettre et rentrer dans le moule, sous peine d’être exclus. Le nombre de place est insuffisant, obligeant à une rotation qui met les sans abri en compétition, ce que la fondation Abbé Pierre qualifie de «lutte des places».

En 2004, en l’absence de tout arrêté, sur consigne verbale du Maire, les sans abris sont ensuite priés de quitter le parc des arènes vers les abords du fleuve et, sous le pont neuf quand il pleut… A cette époque apparaissent des campements de misère dans les bosquets aux alentours du lac d’Estey. Durant cette période les premières caméras de vidéo surveillance sont installées par la Mairie, au départ au nombre de quatre, on en dénombre plus d’une vingtaine aujourd’hui à l’usage de la police municipale.

Automne 2004. L’association « A l’Exception Culturelle » est créée, « retranchée derrière la déclaration universelle des Droits de l’Homme », elle se propose entre autre de venir en aide aux sans abri et de favoriser les initiatives… Grâce à une cuisine ambulante elle commence par organiser un repas hebdomadaire sur les berges du fleuve pour exiger l’ouverture d’un lieu d’accueil de jour ouvert à tous-tes, elle commence à réunir les sans abri dans une action commune et apporte aussi divers soutiens.

La maison «Fraternité»

Hiver 2004, une maison de garde barrière à l’abandon est «réquisitionnée» qui deviendra : « maison de la Fraternité, lieu d’hébergement solidaire ». Ebauche de concept d’entraide à l’initiative d’un groupe de jeunes Sdfs.

La maison fût investie fin Octobre. Avec sa grande cuisine, une grande salle de bain, trois chambres, un jardin clos, elle offrait l'avantage de n'être ni trop près, ni trop loin du centre ville. Dans un premier temps, elle était utilisée par 3 à 4 personnes dans l'urgence, uniquement pour la nuit afin de ne pas attirer l'attention; le jour, elle permettait d'y laisser les affaires en toute sécurité puisque fermée à clef sous la responsabilité d'un des usagers.

Peu après les fêtes de noël, le petit groupe s'est agrandi et a souhaité "officialiser" l’occupation. Dés lors, la maison est occupée en permanence par une dizaine de résidents qui rédigèrent un communiqué pour le public et eurent recours à la radio pour expliquer leur démarche. S'en est suivie une première expulsion sans aucune procédure préalable (comme c'était l'usage courant sur Dax). Soutenus par l'association « A l’Exception Culturelle » puis par des communiqués du DAL (association Droit Au Logement), ils purent la réintégrer.

La vie s'est alors organisée à leur initiative sur le mode de l'autogestion ils obtinrent le branchement EDF, rétablirent l'eau; l'association ainsi que des personnes sensibilisées les aidèrent à se meubler. Une cuisinière à bois fût installée avec un conduit sûr dans la cheminée pour le chauffage et la cuisine, (il y eut deux incendies de squat cet hiver là sur Dax qui faillirent coûter la vie à trois personnes).

La maison était ouverte à toutes et tous, sans condition d’âge, dans une ambiance de tolérance et de non violence (un magrébin, un homosexuel cohabitaient parmi les punks filles et garçons…), crises et conflits s’apaisaient par l’effet du groupe. Les repas étaient assurés quotidiennement grâce à la récupération (poubelles, invendus,…), aux dons et à l’échange en l’absence de soutien de la part des restaus du cœur. Le 115 saturé y envoya même d'autres SDF. Les voisins n’étaient pas hostiles la plupart observaient la chose avec un regard bienveillant.

Dans un premier temps les habitants se sont beaucoup reposés, profitant de la tranquillité et se sentant en sécurité. Les chiens, par ailleurs, ont pu bénéficier d'une assistance vétérinaire bénévole (conseils, vaccins, campagne contre les parasites). Se projetant peu à peu dans le temps, ils commencèrent à effectuer diverses démarches parmi lesquelles le soin; l'un d'entre eux effectua un sevrage d'alcool et se dirigea vers le service compétent de l'hôpital. L'accès aux soins, la réduction des risques fut favorisé par l'intervention d'un éducateur spécialisé de l'association "La Source".

Un autre demanda le transfert de son dossier judiciaire pour effectuer sa peine de TIG dans de bonnes conditions (Travaux d'intérêt Généraux). Se sentant plus "intégrés" et reconnus vis-à-vis du voisinage, quelques uns préférèrent délaisser la "manche" au profit de petits boulots et, pour ce faire, placardèrent une affiche devant la maison. Certains entreprirent de véritables démarches de recherche d'emploi, d'autres essayèrent de cultiver un jardin potager sans grand succès. De véritables projets ont vu le jour et pour certains ont été concrétisés. Le collectif informel «La Fraternité» est créé en soutien aux sans abri, un concert organisé : "Les naufragés du No Futur".

Ce lieu s'est avéré trop petit et victime de son succès, le projet d'ouverture d’une autre maison Fraternité n'a pu aboutir par manque d'encadrement, de soutiens et de moyens. Début avril, la promiscuité, la présence d’éléments extérieurs attirés par l’aspect « ludique », les dérives dues principalement à l'alcool ont commencé à créer des nuisances pour le voisinage. Des comportements basés sur la dominance et le profit ont commencé à apparaître. La pression de la police municipale, la perspective d'une expulsion prévisible en fin de trêve hivernale ont engendré des actes vindicatifs, en l’absence de médiation autre que l’intervention de la police nationale, les choses n'ont pas évoluées dans le bon sens. L'expulsion fin avril, dans le mépris des règles légales, fût très violente. Le groupe fût rejeté sur les berges de l'Adour; quelques jours plus tard, Bob, âgé de 26 ans, décédait dans des circonstances tragiques sur les bords du lac de l’Estey.

Le Maire UMP J.Forté ne se cachait pas de sa volonté politique d’exclusion délibérée évoquant de manière tout à fait décomplexée «les parasites, qui ne veulent pas entendre parler de réinsertion, et apportent de l’insécurité avec leurs chiens. Ceux-là sont priés d’aller ailleurs». Journal Sud Ouest 25/05/2005.

A cette époque la mairie paie régulièrement des billets de train à des sans abri pour leur faire quitter la ville !

Fin 2005 un « tour de rue » hebdomadaire est mis en place par l’association « A l’exception Culturelle », cette action implique les sans abris, à tour de rôle dans la préparation et la distribution d’un repas. Par ailleurs l’association apporte un soutien logistique pour l’aménagement d’espaces collectifs sur les campements (cuisines), un vétérinaire, un travailleur social, une infirmière font partie des bénévoles.

Fin juillet 2006, un «appel à soutien pour le respect des Droits Fondamentaux des Sans Abris» fût diffusé sur l’agglomération et relayé sur internet. Sur ordre de Mr le Maire la police municipale tentait de procéder à la destruction illégale d’un campement de six personnes situé dans un bosquet au bord du lac de l’Estey,  où ils ont pourtant consigne de les refouler. Elle est soutenue dans cette «mission» par la police nationale. Face au refus catégorique des sans abri de quitter les lieux, et devant l’embarras de la police nationale, la solution trouvée est de déplacer le campement de 300 mètres en dehors des limites de la ville.

Déc. 2006, suite à la parution d’un article dans le journal Sud ouest, un ancien abribus désaffecté servant de refuge aux sans abri et de point de maraude, est grillagé place du sablar.

1er janvier 2007 le campement des « Don Quichotte de l’Adour » est installé sous le pont des arènes où sera défendue la loi pour le Droit au Logement (Dalo), mais aussi le Droit de pouvoir rester dans la rue (ou sous les ponts), gage d’une bonne santé démocratique (liberté de déplacement et libre arbitre). La première revendication à Dax est l’ouverture à l’année de l’accueil de jour. Ce mouvement est aussi à la fois une remise en question du dispositif ainsi que des conditions de l’hébergement (plan grand froid par ex.). Une quinzaine de personnes seront relogées, ponctué de multiples actions, il durera jusqu’à mi-avril et sera clôturé par une marche jusqu’à Mont de Marsan (Préfecture, à 70kms).

Cet hiver là, la DDASS, tenue de respecter l’obligation d’hébergement en période de plan grand froid, paie des taxis pour emmener les sans abri accompagnés de chiens depuis Dax jusqu’à la structure d’hébergement de Mont de Marsan où ils sont acceptés… Domiciliés sur Dax et ne trouvant aucune perspective à Mont de Marsan, ils reviennent en train.

Eté, 2007 Création du comité Droit au Logement de Dax. Créé dans la suite du mouvement des Enfants de Don Quichotte, ce comité s’est toujours démarqué au sein de la Fédération Droit Au Logement par son attachement à défendre les sans abri, en particulier à se mobiliser pour l’application de l’Art.IV de la loi Dalo, pour le droit à l’hébergement et le respect de l’accueil inconditionnel de toute personne à la rue. Très concrètement la pérennisation de l’accueil de jour a été au cœur de ses mobilisations.

Suite à la découverte du corps d’un sans abri ayant eu un malaise dans les wc des halles, le quatrième qui décède sur l’agglomération, organisation d’une manifestation «A Dax, la rue compte ses morts !»

Fêtes de Dax 2007, durant cet évènement incontournable, le CANAD étant fermé, aucune alternative n’est proposée aux sans abri qui n’ont quasiment aucune possibilité de refuge dans la ville et sont de plus, harcelés ou agressés. En outre les chiens sont interdits dans la ville même attachés. Un espace d’accueil, cuisine collective, prévention est ouvert sous le pont des arènes par une poignée de bénévole. Un concert improvisé est donné puis des scènes ouvertes sont proposées aux « hestayres », le tout se déroule dans un esprit festif et convivial.

Au printemps 2008, Mr Gabriel Bellocq candidat Socialiste de la gauche plurielle est élu Maire. Le Dal – Dax vient d'être créé... A suivre...

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